Le 10 juin, le Français (24 v, 3 n, 6 d) est devenu un magistral champion d’Europe des super-légers en battant aux points (115-113, 115-114, 114-114) et au bout du suspense le valeureux Espagnol Samuel Molina (25 v, 3 d), à Paris, dans un Gymnase Didot en fusion.
La valeur n’attend certes pas toujours le nombre des années mais il arrive aussi qu’avec ces dernières, sa permanence soit des plus remarquables. A trente-cinq printemps, Franck Petitjean en est la probante illustration, lui qui a sans doute livré la plus belle prestation de sa carrière laquelle est, désormais, quoi qu’il advienne, une réussite dans la mesure où il s’était déjà paré du titre national et de celui de l’Union européenne.
Dans une enceinte surchauffée et submergée par la touffeur d’un été imminent, la tension était palpable à l’heure de lâcher les deux fauves. L’Ibère était rude et n’avait, à l’évidence, pas fait le déplacement pour jouer les utilités. Il rendait d’emblée la pareille aux assauts du Parisien avec une intensité et une hargne comparables. Chaque offensive était assénée en force pour faire mal et plier l’adversaire. Le bras de fer s’annonçait de haute volée, ce qui ne dissuadait nullement le Francilien. Ce dernier avait pour lui une plus grande capacité à boxer sous divers angles, en désaxant, quand le visiteur se contentait d’avancer en ligne, ce qui, au demeurant, ne le rendait pas moins dangereux. Bref, le duel était palpitant et allait le rester.
Une vitesse de bras supérieure et une plus grande précision
Dans la deuxième reprise, une gauche en contre du fausse garde tricolore faisait vaciller Samuel Molina qui… repartait de plus belle. Pas besoin d’être grand clerc pour deviner que la suite ne serait aucunement une formalité. Un tantinet plus puissant, le pugiliste de la Péninsule faisait mal mais Franck Petitjean, doté d’un physique exceptionnel, ne bronchait pas et répliquait systématiquement. Grâce à sa vitesse de bras supérieure et à sa plus grande précision, il parvenait à marquer son territoire. Néanmoins, il lui manquait quelques réglages pour prendre réellement l’avantage. Son coin se chargeait de les lui préciser en l’enjoignant, pêle-mêle, de donner son uppercut, d’être plus mobile avec sa tête, de soigner les esquives et d’impulser des changements de rythme, histoire de faire reculer son vis-à-vis, lequel, il est vrai, était peu à l’aise dans ce registre.
Plus facile à dire qu’à faire. D’ailleurs, une droite décochée à la toute fin du quatrième round envoyait quelque peu sur les talons le héros de la soirée, heureusement juste avant que le gong ne retentisse. Les débats étaient aussi endiablés qu’équilibrés et donc indécis. Les combinaisons les plus déliées étaient à mettre l’actif du local. En revanche, les touches les plus lourdes, le plus souvent en crochets courts des deux mains derrière l’oreille, étaient l’apanage de l’Andalou. A la mi-combat, l’élève de Youssef Barit peinait à en découdre à sa distance tandis que son rival effectuait le pas de retrait qui faisait que les coups du Parisien arrivaient trop fréquemment en bout de course ou trouvaient le vide.
Remercier un à un ceux qui l’ont façonné tant comme glorieux gladiateur que comme homme
Habile, l’Espagnol s’offrait le luxe de récupérer, du moins le croyait-on, en délivrant un ou deux cross avant de prendre la poudre d’escampette, histoire de ne pas s’attarder dans la ligne de mire du cofondateur de la Gloves Academy. Mais à compter du septième opus, il se montrait moins entreprenant comme si son cardio le trahissait, lui qui était en quête d’une second souffle qui ne venait pas. Ce qui n’était qu’un signe avant-coureur se confirmait au fil des minutes. Le natif de Malaga baissait pied à mesure que le phénix Petitjean renaissait magistralement de ses cendres et marchait sans cesse sur son contradicteur, son pressing étant synonyme d’ascendant regagné. D’une extrême lucidité dans ses chevauchées, il prenait soin de laminer d’abord les flancs avant de porter l’estocade au visage. La confrontation était dantesque et elle le devait tout autant à la formidable résistance de l’autre cochallenger.
Les six ultimes minutes allaient être décisives, sublimes même. Le Français savait qu’une ultime accélération au long cours lui offrirait le Graal. Son opposant, lui, était conscient que seul un sursaut d’orgueil sans la moindre faiblesse ne l’en priverait pas. Et, dans ce bras de fer entre générations, c’est l’ancien qui prenait sans discontinuer l’initiative. Son endurance d’airain, son abnégation impensable mâtinée d’un courage héroïque triomphaient sur le fil de la fougue quelque peu délitée de son cadet. Délivré et libéré du poids de son injuste échec lors de sa précédente tentative continentale, Franck Petitjean pouvait prendre le temps de remercier, sur le ring, un à un ceux qui l’ont façonné tant comme glorieux gladiateur que comme homme. Preuve ce que cette ceinture est, pour son nouveau détenteur, un accomplissement d’une entièreté hautement symbolique.