Entraîneur national en charge de la filière masculine, Malik Bouziane dresse le portrait, entre seize cordes, de ses quatre protégés qui seront en lice aux Jeux de Paris.

« Billal Bennama, un boxeur très complet et brillant techniquement »

« C’est un boxeur très complet et brillant techniquement. Il a une belle boxe tout en étant efficace. Il a l’avantage d’être grand et d’avoir de longs segments. Ce qui, en revanche, l’oblige à faire attention à son placement et à être dans le bon timing lorsqu’il frappe afin que ses coups atteignent leur cible notamment quand il est à mi-distance. Même s’il a beaucoup travaillé dessus, son défaut reste la gestion des émotions. Parfois, il s’emporte et est tenté d’aller à la bagarre sans que ce ne soit justifié. Cela peut lui jouer des tours et impacter sa concentration. Cependant, encore une fois, c’est un aspect qu’il a beaucoup amélioré. Mais même quand vous chassez le naturel, il revient au galop… Par ailleurs, il a énormément progressé en ce qui concerne ses moyens de défenses. Enfin, il a beaucoup d’expérience sur le plan international puisqu’il a été multimédaillé européen et mondial. Il sait gérer ce genre de compétitions à enjeu. A Paris, il fera partie des favoris du tournoi. A lui de veiller à ne pas mettre trop de temps à entrer dans ses combats et à gagner le premier round. »

« Sofiane Oumiha a de la prestance sur le ring »

« Il a une énorme expérience, lui qui a été vice-champion olympique à Rio et est triple champion du monde. Sur le papier, c’est le numéro un de la catégorie à laquelle il s’est, au demeurant, parfaitement habitué, lui qui vient des -60 kg. Il s’est endurci et a fait du renforcement musculaire, en particulier au niveau des cervicales. Par ailleurs, quand il est bien campé sur ses appuis, il frappe d’autant qu’il a gagné en puissance. Sans compter un cardio lui aussi meilleur. Sofiane est un boxeur d’instinct qui travaille beaucoup en contres et dans l’anticipation, un registre dans lequel il est extrêmement à l’aise. En effet, ce schéma tactique correspond à ses qualités naturelles que sont sa vitesse d’exécution et son coup d’œil. C’est pourquoi il a souvent les mains basses, ce qui est synonyme de relâchement. Toutefois, nous avons mis l’accent sur les moyens de défense de près. En revanche, avoir les mains bien hautes à distance, ce n’est pas son style. Il sait aussi endormir ses adversaires pour mieux jaillir. Et puis, il a de la prestance sur le ring. Depuis trois ans, il est invaincu et a encore gagné en confiance et en assurance. Il a totalement évacué son élimination avant la limite, au premier tour des JO de Tokyo. A Paris, lui aussi fera partie des favoris. Nul doute qu’il aura l’intelligence de ne pas sous-estimer ses adversaires tout en efforçant de les surprendre. Pour cela, il devra aussi boxer à mi-distance et non pas seulement en misant sur sa mobilité. »

« Makan Traoré est extrêmement mature et réfléchi »

« C’est le plus jeune du groupe, ce qui ne l’empêche pas d’être extrêmement mature et réfléchi. Psychologiquement, il est bien. Il gère mieux la pression inhérente aux grands événements. C’est un boxeur à la fois intelligent et puissant sur le ring, qui travaille bien en ligne. Il a digéré son ascension rapide au plus haut niveau. Pour cela, il lui a fallu assimiler l’ensemble des éléments technico-tactiques qui lui ont été inculqués depuis un an. Cependant, il est aussi capable, s’il y a du niveau en face, de s’en tenir à des choses simples et de ne pas prendre des risques inutiles. Makan est contre-attaquant naturel mais qui sait aussi s’engager. Il a conscience qu’il frappe. Néanmoins, avant de vouloir faire mal, il faut qu’il pense d’abord à gagner les rounds en inscrivant des touches nettes et en alliant vitesse et relâchement. En outre, il soigne de plus en plus ses sorties d’action sur le plan défensif. Aux Jeux, il peut créer la surprise dans la mesure où il n’aura rien à perdre et tout à gagner. »

« Djamili Aboudou, un super-lourd atypique »

« A vingt-huit ans, il arrive à maturité aussi bien physiquement que mentalement. En effet, il est bien dans sa tête. Il n’avait pas pu tenter sa chance pour se qualifier aux Jeux de Tokyo en raison d’une blessure au biceps. Il a donc soif de revanche. C’est un super-lourd atypique dans la mesure où il est plutôt petit pour la catégorie. En revanche, il a beaucoup pris en puissance. Il sait désormais bien poser ses appuis pour être impactant au moment de frapper, ce qui ne l’empêche pas d’avoir conservé ses qualités naturelles qui sont sa marque de fabrique : à savoir, sa vitesse de bras et sa mobilité. Des atouts dont il aura grandement besoin aux Jeux et qui lui permettront de se dépêtrer de certaines situations. Néanmoins, c’est quelqu’un qui n’a pas peur de défier des boxeurs beaucoup plus costauds et puissants physiquement que lui. Il est déterminé et plus agressif qu’auparavant. Il a les moyens de faire quelque chose aux Jeux. Pour cela, il devra à la fois surprendre mais aussi presser ses adversaires afin de bien montrer aux juges qu’il est capable de bousculer ses adversaires. Le tout en étant vigilant quant aux moyens de défense à mi-distance et en ne confondant pas vitesse et précipitation. »

Propos recueillis par Alexandre Terrini