Le Villeurbannais (34 v, 1 n, 2 d) est devenu champion du monde WBA régulier des super-welters en battant son compatriote, le valeureux Anderson Prestot (23 v, 2 d), par jet de l’éponge à la cinquième reprise, le 20 juillet, à Marseille. Mais que de fâcheuses péripéties pour en arriver là…
Un petit résumé des faits s’impose pour justifier un tel scénario. A l’origine, Michel Soro devait disputer une revanche contre l’Argentin Brian Carlos Castano (15 v, 1 n), détenteur de la ceinture WBA et vainqueur, sur décision partagée, du Français, le 1er juin 2017, à Évian-les-Bains, avant d’en faire de même, cette fois avant la limite, devant Cédric Vitu, le 10 mars 2018, à Paris. Un match que toute la Patrie pugilistique espérait, histoire de voir les pendules remises à l’heure. Mais, en juin dernier, on apprenait que le Latino, à force de rechigner à signer le contrat qui lui avait été envoyé par Sébastien Acariès, lequel avait raflé les enchères, était destitué par la WBA. Exit donc Castano et place à l’invaincu Magomed Kurbanov. Moins connu que le Puma, il présentait néanmoins un pedigree crédible avec notamment un grand nombre de victoires avant la limite (onze sur dix-sept) et le fait d’avoir détenu le titre WBO Intercontinental de la catégorie. Or, mardi 16 juillet, le garçon brillait par son absence lors de la conférence de presse de présentation du duel. Un siège vide pour cause de problème de visa, invoquait alors son manager, le document ayant été demandé trop tard et, de surcroît, pas selon la bonne modalité puisque l’entourage du Russe avait sollicité un visa de… tourisme et non, comme il aurait fallu, de travail. Il avait, en outre, contacté d’abord l’ambassade de France en République Tchèque puis celle de France à Moscou. Pour accélérer les choses, Sébastien Acariès avait, de son côté, fait intervenir le ministère des Affaires étrangères. Dès lors , on crut benoitement que l’affaire était réglée puisque vendredi 19 juillet, Magomed Kurbanov se voyait délivrer le précieux sésame mais pas… son entraîneur. Suffisant pour l’inciter à déclarer forfait quand bien même son sponsor avait affrété un avion privé pour l’acheminer directement d’Ekaterinbourg à Marseille. Lamentable.
Anderson Prestot pas du style à se défausser
Pour sauver la réunion, diffusée sur Canal+, rappelons-le, pas d’autre issue que de trouver illico… presto un rival valable à Michel Soro. Initialement au programme de la soirée phocéenne au cours de laquelle il était censé recevoir la réplique, sans titre en jeu, de Martin Owono, Anderson Prestot accepta de relever le défi au pied levé. Parce qu’une telle opportunité ne se refuse pas ; parce que, aussi, le sociétaire du Ring de Massy n’est pas du style à se défausser ni à trouver des prétextes à la noix quand il est au pied du mur. Problème, c’est un poids moyen naturel et non plus un super-welter. Il avait d’ailleurs été pesé à 73 kg. Il lui a donc fallu perdre trois bons kilos en un peu plus de douze heures, de vendredi soir à samedi matin. Pour cela, il a dû s’entraîner deux fois, ne pas manger et, très probablement, boire extrêmement peu… Une abnégation payante puisqu’il s’adjugea son bras de fer avec la balance en réussissant à faite la limite.
Sur le ring, ce fut, en revanche, une autre paire de manches. Certes, le pugiliste de la communauté des gens du voyage a tenté crânement sa chance et n’a jamais joué les faire-valoir. Pas le genre de la maison. Une droite plongeante dévastatrice, comme il en a le secret, a d’ailleurs durement secoué Michel Soro dès le premier opus. Mais la suite tourna inexorablement court. Forcément plus affuté, ce dernier enclencha progressivement la machine et là, l’Essonnien ne put suivre ni endiguer les accélérations successives de son opposant. Acculé dans les cordes durant la cinquième reprise et contraint de poser un genou à terre après avoir encaissé une longue série de coups sous tous les angles, Joseph Germain eut la sagesse de l’arrêter.
Erislandy Lara ou Cédric Vitu ?
« J'avais confiance en mon physique, analysait, quelques minutes plus tard, au micro de Canal+, le nouveau champion du monde. Je savais que j'allais monter crescendo. Au bout des deuxième et troisième rounds, il était touché. Je l'ai senti et ce n'était qu'une question de temps. Je ne voulais pas me précipiter pour le mettre KO rapidement. Physiquement, il baissait et il était sur le reculoir. »
A présent, l’élève d’Abel Sanchez et de Fayçal Omrani se sait sur la rampe de lancement à laquelle il ne cessait d’aspirer : « Je suis content d'avoir pris ce titre mais je sais que maintenant, de grands défis m'attendent, affirmait-il, toujours sur la Chaîne cryptée. Le plus dur, ce n'est pas d'y arriver mais d'y rester. C'est une étape. Maintenant que j'ai pris ce titre, ce sera très dur de me le prendre. J'ai galéré pendant pas mal d'années et il fallait que j'atteigne cet objectif, peu importe l'adversaire. C'est un premier rêve qui vient de se réaliser. Il y en aura d'autres. »
Le natif d’Abidjan a pour challenger officiel l’épouvantail cubain Erislandy Lara qui a fait match nul avec l’ami Castano, le 2 mars dernier. A moins qu’avant cela, se profile un autre duel franco-français face à Cédric Vitu. Présent, au moment du verdict, dans le carré magique du Palais des Sports de Marseille, le Picard a provoqué le tenant : « C'est moi le prochain, ne cherche pas d'excuses. Tu n'es pas champion du monde. Pour moi, c'est moi le vrai champion du monde, frérot. » Une querelle de mots avant une querelle de poings très attendue ?
Par Alexandre Terrini
Mise en ligne Jérôme Fouache