« On m’a déjà comparé à Luffy, le personnage de manga ! Un jour, il faudra que je mette un chapeau de paille et un short bleu, comme lui, avant de monter sur le ring », s’exclame Yazid Amghar.

Le boxeur professionnel de 26 ans, invaincu en 15 combats, a « des bras télescopiques », confirme son coach, Marcel Denis. « Il est véloce, explosif, très rapide de bras », ajoute celui qui le suit depuis le début de sa carrière professionnelle. Jean-Louis Mandangue, le responsable du club de boxe d’Aulnay, vante ses « très belles qualités de déplacement, héritées de sa pratique en pieds-poings » et son sens de l’esquive. Des réflexes appris tout petit, « pour éviter les claques », lance Yazid en riant. Dernier d’une fratrie de quatre, choyé, Yazid est un enfant turbulent. Son père lui achète un punching-ball à quatre ans pour qu’il arrête de frapper autour de lui. On l’inscrit au judo, au football, au tennis de table, au volley. Son grand frère Kader lui conseille un jour de monter les étages du gymnase Jesse-Owens de Bobigny, où il grandit, pour essayer la boxe. « Moi qui avais du mal à canaliser mon énergie, qui n’arrivait pas à me concentrer à l’école, pour la première fois, je me suis focalisé sur l’énoncé de l’entraîneur », raconte Yazid. Il a 12 ans, et le déclic. « Dans les sports collectifs, je ne voulais tellement pas perdre que je me fâchais contre mes coéquipiers. Là, je pouvais compter sur moi-même sans dépendre de personne ».

L’adolescent apprend la boxe française aux côtés d’une génération de champions qu’il observe, avide d’apprendre : Djibrine Fall-Télémaque, Alain Zankifo, Ludovic Fornes, Frédéric Bellonie. « J’étais hyper curieux, je leur demandais des conseils », se souvient Yazid. L’Athlétic Club de Bobigny devient sa deuxième maison. Ses parents sont satisfaits. L’impact sur ses études est positif et Yazid se montre sage pour éviter la punition suprême : être privé de boxe. En 2008, il devient champion de France junior. L’année suivante, il conserve son titre et devient champion du monde junior, avant de remporter les titres français et européen chez les seniors en 2012, en moins de 70 kg.

À 22 ans, Yazid est encouragé à passer à la boxe anglaise. Alors qu’il ne l’a jamais pratiquée, il remporte la ceinture Montana en 2012. Ulcéré par l’injustice dont est victime Alexis Vastine aux Jeux Olympiques de Pékin, il intègre les rangs professionnels. Patiemment, il forge son invincibilité. « Je construis ma carrière sportive en progressant combat après combat », explique-t-il. Après quatre ans de parcours pro, il vise désormais le titre de champion de France en moins de 63,5 kg. : « C’est l’objectif, car je pense en avoir les capacités, mais pas une fin en soi, car la marge de progression est encore importante ». Ultra-motivé, Yazid garde néanmoins la tête froide. « Certains boxeurs disent que la boxe, c’est leur vie. Moi, non. Elle m’a apporté énormément, en m’apprenant à mieux me connaître, en provoquant des rencontres, en développant des valeurs de dépassement de soi, de respect, un cadre. C’est ma passion, mais j’ai du recul », nuance-t-il. Citoyen engagé, il s’investit au sein de son association Cœur de champion et va à la rencontre d’enfants hospitalisés, « des champions qui se battent contre l’adversité de la vie ». Pour Yazid Amghar, aller jusqu’au sommet avec les gants n’est pas le but ultime, mais la promesse de développer sa carrière professionnelle hors des rings et transmettre aux autres ce qu’il a reçu. « Être exposé ne m’intéresse pas. Je veux être reconnu comme quelqu’un de simple, qui essaie d’avoir la bonne attitude en toutes circonstances », confie-t-il. « Yazid a le profil du gendre idéal. Il est charismatique, gentil, serviable, jamais dans la provocation », analyse Djibrine Fall-Telemaque, le multiple champion du monde de pieds-poings. « Mais un Bad boy existe aussi à l’intérieur. Et pour progresser, il faudra qu’il le sorte au bon moment, qu’il en fasse un outil pour se surpasser ». Prochaine occasion de montrer son visage guerrier, le 10 novembre contre Renald Garrido.
Par : CF