Victor Young Perez, au nom de la mémoire

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Le Gymnase Bercy-Bastille, sis, au 242 rue de Bercy, a été renommé, il y a peu, par la Mairie de Paris, Gymnase Victor « Young » Perez. Une démarche hautement symbolique en ces temps où les valeurs de la République sont malmenées.

Le destin de Victor Young Perez est un condensé de la période la plus sombre de l’histoire de l’Humanité. Né à Tunis, en 1911, dans une famille israélite des plus modestes, il tomba dans la marmite du noble art au seuil de l’adolescence. Les brimades et les exactions dont sa communauté était victime de la part des Français et des locaux confortèrent sa volonté de savoir se défendre en pareille circonstance.

Ses prédispositions le conduisirent rapidement à faire carrière à Paris. En Métropole, il devint champion de France des mouches, après avoir dominé Valentin Angelmann, puis champion du monde de la catégorie, en 1931, aux dépens de l’Italien Frankie Genaro. Une consécration survenue à vingt ans, aux allures de gloire naissante et de déclin programmé. Sa relation amoureuse et tumultueuse avec l’actrice Mireille Balin, qui se compromit quelques années plus tard durant la Collaboration, des gains dilapidés en brûlant la vie par les deux bouts ou par des placements hasardeux, des prises de poids et un entraînement de moins en moins ascétique : le parcours pugilistique du prodige vira au long et inexorable décrescendo.

Dénoncé et arrêté par la Milice

La montée des périls, sous l’Occupation, ne le dissuada pas de trouver refuge en Tunisie malgré les conseils de ses amis. Celui qui avait combattu en Allemagne, sous les huées du public, durant la tristement célèbre Nuit de Cristal, ne voulait pas, par ego, rentrer au pays avec le statut de vedette déchue. Il y était pourtant attendu et espéré par les siens. Alors qu’il était enclin à franchir le pas, il fut dénoncé et arrêté par la Milice, en septembre 1943. D’abord interné à Drancy, il fut ensuite déporté à Auschwitz. En Silésie, pour se distraire, les Allemands le forcèrent, comme les rares pugilistes du camp, à livrer des combats contre les soldats nazis, qu’importât la différence de gabarit et de condition physique. Victor Young Perez y jouait sa survie, aidant autant qu’il le pouvait ses compagnons d’infortune. Son altruisme fut lourdement sanctionné par les kapos.

En janvier 1945, il participa à l’une des sinistres Marches de la mort qui suivirent l'évacuation du camp. Le 22 du même mois, il fut abattu d'une rafale de mitraillette par un SS. Qu’importe si le motif diverge selon les versions. Certains témoignages assurèrent qu’épuisé, il ne parvenait plus à suivre le rythme ; d’autres affirmèrent qu’il était parti chercher du pain pour ses camarades.

« L’éternité d’une vie blessée et la gloire d’un boxeur champion du monde »

Pour que cette barbarie indélébile serve au moins de garde-fou en sacralisant ce que notre société ne tolèrera plus pour ne plus perdre une seconde fois son âme, le devoir de mémoire est devenu une exigence intangible et constante. Tous les hommes et les femmes de bonne volonté sont conviés à apporter leur louable écot à cette œuvre collective. A l’image du Comité pour la mémoire des enfants déportés parce que nés juifs (CMEDJ), présidé par Azdine Ben Yacoub. L’association avait été à l’origine de l’apposition, dans la salle de boxe de l’Insep, d’une plaque en l’honneur de Victor Young Perez. Son action a trouvé un nouvel aboutissement avec le choix de la Mairie de Paris de rebaptiser l’enceinte sportive du XIIe arrondissement avec le patronyme de Victor « Young » Perez.

Laurence Patrice, adjointe à la Maire de Paris, chargée de la mémoire et du monde combattant, s’est dite « fière d’avoir, au nom de la Maire de Paris, rendu hommage au champion de boxe Victor Young Perez, Juif de Tunis déporté à Auschwitz où il fut obligé de jouer sa vie dans des combats effroyables de gladiateurs ». Maire du XIIᵉ arrondissement, Emmanuelle Pierre-Marie lui a emboîté le pas et a rappelé qu’en « nommant ce gymnase du nom de Victor « Young » Perez, nous commémorons la rage de vivre d'un boxeur assassiné loin de chez lui, parce qu'il était juif. Face à l'antisémitisme, Paris sera toujours debout et à jamais solidaire. »

Et Azdine Ben Yacoub de conclure : « Messaoud Haï Victor Young Perez ne s’éteindra jamais. Il porte en lui l’éternité d’une vie blessée et la gloire d’un boxeur franco-tunisien champion du monde. »

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